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La Cabane dans les bois (Drew Goddard, 2011)

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Étant donnée la nature du film basé sur l’effet de surprise, mieux vaut ne rien lire et ne rien voir, les critiques et bandes-annonces dévoilant nécessairement quelques clés du film.

Le cinéma d’horreur n’est définitivement plus réservé au public restreint des amateurs. Et ce n’est pas une surprise de voir des auteurs estampillés “geeks” aux univers relativement éloignés du genre se pencher sur le sujet. Avec Joss Whedon et Drew Goddard, ce sont des milliers de fans de Buffy, de Firefly et de Lost qui se retrouvent main dans la main dans l’attente d’un film d’horreur. Des bêtes de course en TV dont les faits d’armes au cinéma, au niveau de l’écriture, se nomment Toy Story et Clovefield (mais aussi Serenity et Alien, la résurrection d’assez triste mémoire). Pour son premier film derrière la caméra, Drew Goddard aborde avec La Cabane dans les bois l’archétype du film d’horreur à la Evil Dead, avec groupe de jeunes en vacances, habitation isolée en forêt, autochtones bizarres et attaque de zombie. En apparence seulement car La Cabane dans les bois ne s’ancre finalement dans aucun style pour se poser en pur film méta. Une étrange expérience aussi maligne que ludique, qui pose un regard sans cesse à la frontière du cynisme mais qui reste dans l’hommage et la réflexion sur le genre. Un premier film surprenant.

la cabane dans les bois 1 La Cabane dans les bois (Drew Goddard, 2011)

Comme tout film méta qui cherche à apporter une réflexion sur un genre bien précis, La Cabane dans les bois s’ouvre en adoptant ces codes avec précision. Ainsi l’introduction du film n’est ni plus ni moins que celle qui a été vu des millions de fois, avec un petit groupe d’étudiants dont tous sont des archétypes et qui se préparent pour leur week-end de fiesta, ils partent en voiture, font une pause dans une station-service qui parait déserte mais qui ne l’est pas, vont s’isoler dans la maison la moins accueillante du monde, vont se baigner dans le lac du coin, boivent des bières, fument des pétards, et ce à travers des personnages globalement hyper-sexualisés. Toutes les bases classiques sont là, avec un timing connu et une mise en images correspondant parfaitement aux canons du genre. Sauf qu’au même moment, et par petites touches, Whedon et Goddard apportent quelque chose qui fait vaciller le film, et ce très rapidement. Révélée dans la bande-annonce du film, qu’il est préférable d’aller voir vierge de toute image, on trouve dès les premiers plans des personnages qui semblent appartenir à une autre réalité. Ainsi, La Cabane dans les bois ressemble tout d’abord, et de plus en plus, à une sorte de variation autour du spectacle vivant et de la téléréalité, dans une approche frontale plus proche de The Truman Show que de Battle Royale ou The Running Man. L’idée est de jongler à la fois entre les différentes figures de style du film d’horreur, du slasher ou du film de zombies, pour les désamorcer non pas avec l’humour comme pouvait le faire Tucker & Dale fightent le mal mais en illustrant les rouages à l’écran. Le concept est des plus grisants même si on oscille en permanence entre un regard tendre et un regard cynique porté sur le genre. Question de perception, mais le souvenir de Cloverfield tend à étayer la thèse d’une absence de cynisme et d’un véritable amour du genre. Tous les enjeux sont posés lors de la scène de la cave, qui ouvre des possibilités incroyables en terme de cinéma interactif (tous les symboles sont là) tout en mettant en lumière le côté extrêmement systématique et prévisible de la majorité des productions horrifiques actuelles. Ce n’est d’ailleurs  pas pour rien qu’on aperçoit, lors de séquences assez géniales, un décor de film d’horreur japonais nous rappelant à l’occasion les excès grotesques des films de fantômes : VHS maudite, perruque maudite, téléphone maudit, chaussures maudites… Drew Goddard utilise le méta-film pour mettre en lumière les dérives d’un cinéma en pilote automatique qui enchaîne les films-clônes mais pose également le problème de la manipulation, que ce soit des personnages ou des spectateurs, thématique inhérente aux fondements du cinéma.

la cabane dans les bois 2 La Cabane dans les bois (Drew Goddard, 2011)

Les deux scénaristes ont poussé l’expérience jusqu’à rendre un des personnages complètement conscient de tout ce qui se passe, l’ironie voulant qu’il s’agisse de celui qui ne soit pas tout à fait prédisposé à cet état de conscience. D’ailleurs pour la blague il s’agit là d’une idée profondément anti-conservatrice qui pourrait bien froisser quelques esprits. Le tour de force de La Cabane dans les bois est de ne pas se contenter de ce niveau de lecture. Ainsi, le film va de surprise en surprise, de rupture de ton en mélange de genres à tel point que sera bien malin celui qui saisira à l’avance tous les tenants et aboutissants. De la téléréalité, on passe ensuite au slasher gentiment gore avant de tomber en plein milieu d’un pur fantasme de geek fan de film d’horreur, le temps d’une longue séquence complètement folle sous forme de digest terminal, pour embrasser carrément la mythologie païenne. Entre Matrix et Blade II dans l’esprit, citant le plan le plus puissant de Shining au passage, ce dernier acte de La Cabane dans les bois vaut le déplacement à lui seul tant il ressemble à une sucrerie sanglante donnée gratuitement à l’enfant-spectateur qui voit un de ses rêves les plus fous se réaliser à l’écran. Et tout cela pour aller vers un final complètement nihiliste, ultime pied de nez au spectateur qui se fait autant manipuler, sinon plus, que les personnages massacrés à l’écran. Et ce jusqu’au plan de fin, complètement délirant. Porté par une troupe d’acteurs excellents de bout en bout dans les caricatures qu’ils arborent ou qu’ils refusent, ainsi que par le duo Richard Jenkins/Bradley Whitford, génial, La Cabane dans les bois bénéficie d’autant de soin à l’écriture qu’à la mise en scène. Drew Goddard n’a pas besoin d’en faire des caisses, il soigne juste son film en le cadrant au millimètre pour construire suffisamment de richesse graphique et applique un découpage sérieux et logique. Le résultat c’est un film qui a de la gueule en plus d’apporter un traitement franchement original et excessif. Il y a pire comme coup d’essai.


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